Le cerveau, une machine prédictive ?
Notre esprit est tissé par nos #croyances à propos du monde. À chaque instant de notre vie, elles définissent ce que nous attendons, ce que nous percevons et ce que nous choisissons. Une théorie influente en sciences cognitives, dite du « cerveau #bayésien », suppose que notre #cerveau fonctionne comme une « machine à inférences » qui élabore continuellement des croyances à propos de son environnement.
Celles-ci lui permettent de générer des hypothèses sur le monde qui sont utilisées pour filtrer la perception et guider nos actions.
À chaque fois que notre cerveau détecte une différence entre ce qu’il croit et ce qu’il perçoit, le décalage crée une erreur de #prédiction qui lui permet de réviser son modèle. Notre cognition est ainsi constituée d’un cycle perpétuel d’inférences (nous percevons et nous agissons en fonction de nos croyances) et de mises à jour (nous modifions nos croyances en fonction de ce que nous percevons et de ce que nous faisons).
Nous négligeons souvent les informations qui nous sont défavorables et privilégions celles qui nous sont favorables.
Le problème de cette mécanique en apparence si simpliste, c’est que notre cerveau #déforme régulièrement la #réalité lorsqu’il manipule l’information. Nous avons ainsi tendance à faire plus #confiance aux informations qui confirment nos croyances plutôt qu’à celles qui les contredisent et aux informations qui nous sont avantageuses plutôt qu’à celles qui nous desservent. L’équipe de la chercheuse en sciences cognitives Tali Sharot a notamment montré que lorsque nous modifions nos croyances, nous négligeons souvent les informations qui nous sont défavorables et privilégions celles qui nous sont favorables, entraînant un #biais « #optimiste » dans notre manière d’encoder le monde. En raison de ces distorsions, nous surestimons généralement la probabilité des événements positifs par rapport aux événements négatifs et à la fréquence objective retrouvée en population générale.
L’épidémie de coronavirus a-t-elle profité de nos biais cognitifs?
Le 23 janvier, lorsque la ville chinoise de Wuhan est mise en quarantaine, il n’y a encore que trois cas détectés en France. Une asymétrie progressive se creuse entre les mesures rigoureuses prises dans les premiers pays touchés et les croyances subjectives que nous entretenons à propos du #virus. Beaucoup d’entre nous pensent alors que le #COVID19 ne tue que les personnes de plus de 70 ans, que les complications pulmonaires sont rares ou encore que l’#épidémie de grippe saisonnière est bien plus virulente (...). Le 5 mars, 47% des Français se déclarent inquiets selon un sondage Ifop, mais 53% d’entre eux ne se lavent pas les mains après avoir pris les transports, 75% continuent de serrer la main et 91 % embrassent encore leurs proches. Le 28 mars, la #pandémie a touché plus de 650 000 personnes dans le monde et fait 30 000 morts.
Notre cerveau s’est retrouvé saturé d’#informations ambiguës et dissonantes provenant de pays étrangers, participant à la difficulté à ajuster nos croyances et nos #comportements.
Alors, l’épidémie de coronavirus a-t-elle profité de nos biais cognitifs ?
Lors de la propagation rapide du virus depuis la Chine, le décalage entre les indices statistiques disponibles et notre représentation des risques pourrait avoir été causé par une négligence des informations défavorables, générant des croyances optimistes sur notre capacité à contrôler son expansion, la supériorité de notre système de soins ou encore le caractère singulier et lointain du phénomène épidémique.
Nous savons aussi que notre biais #optimiste se #renforce lorsque les signaux que nous percevons sont ambigus et qu’il s’atténue lorsque nous détectons une #menace immédiate dans notre #environnement. Dans le cas de l’épidémie de #coronavirus, notre cerveau s’est retrouvé saturé d’informations ambiguës et dissonantes provenant de pays étrangers, participant à la difficulté à ajuster nos croyances et nos comportements (...)
Malgré la difficulté initiale à faire évoluer nos croyances, nous ajustons aujourd’hui la manière dont nous comprenons le monde et envisageons notre avenir(...).
Des biais cognitifs à l’origine de notre comportement face à l’épidémie?
FIGAROVOX/TRIBUNE - Au début de la crise, notre cerveau nous a encouragés à négliger les informations inquiétantes, considèrent les psychiatres Hugo Bottemanne et Philippe Fossati.
D’où une forme d’insouciance collective.